J’ai hésité à écrire sur le cycle de « Syffe sans Terre » écrit par P. Dewdney. C’est que j’allais en dévoilé beaucoup pour ceux qui n’ont pas lu cette épopée… Donc j’avertis : ne lisez pas plus loin si vous avez l’intention de vous plonger dans ce monde fantastique et médiéval, de la pure héroïque fantasy, à la fois réaliste et magique ! Je ne peux que vous encourager à lire cette saga. Vous reviendrez ensuite ici pour en discuter. Je serais ravi de vous lire, de voir que nous partageons ou ne partageons pas les mêmes idées sur cette histoire. Allez-y, je vous attends 😊
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Ça y est, vous avez fini ? Alors je reprends.
La saga de Patrick Dewdnay est toujours en cours d’écriture. Aujourd’hui, en 2025, elle se compose de 4 tomes. Après avoir terminé sa lecture, j’ai cherché quelques infos sur l’auteur. Je suis tombé sur cet interview ici. On peut lire et/ou écouter le romancier parler de ce qui le motive et de ses centres d’intérêts. C’est très intéressant. Je vous invite à aller à sa rencontre…
Venons-en au roman. La trame est plutôt claire. Le narrateur-héros se raconte à la 1ère personne, d’un point de vue éloigné dans le futur, à la façon d’une autobiographie. Il dépeint alors ses aventures ainsi que ses états d’âme évoluant avec l’âge. C’est magnifiquement écrit. La langue est belle, colorée et attachante. J’ai eu beaucoup de plaisir à lire cette bonne littérature !
Dans cet entretien, l’auteur se dit anarchiste et matérialiste. Pourtant il est visiblement traversé par un questionnement à propos de la pression qu’exerce son inconscient sur son conscient. Son attirance pour l’objectivité et le rationalisme se retrouve supplantée par de magnifique description de la nature, de la forêt, du ciel, de la côte et de la mer. L’humidité, la pluie, l’eau est souvent là, bien plus que les paysages arides. Cette sensibilité éclabousse ce long récit. Une certaine lenteur traduit aussi celle qu’on peut percevoir dans la vie, quand le quotidien pèse, que les complications se répètent infiniment, qu’on perd de vue sa Quête.
Le héros est à la fois attiré par l’amour tout en le repoussant vivement. Il devine que cette énergie vient des profondeurs de son être et qu’il ne pourra jamais la dominer. Comportement très « Logos ». Donc il ne pourra pas accepter de tomber amoureux, même s’il s’agit de la fusion de l’être aimé revenue de l’au-delà avec une « quasi-déesse » ! Il lui faudra certainement découvrir que rien d’humain ne peut entraver cette évolution, sa propre évolution, sa destinée.
Mais pour l’auteur-narrateur-héros (que le « je » de la forme du récit mélange), cette déesse qui domine les rêves et distille l’amour, est encore très, trop, matérielle. Il s’agit d’une créature vivant dans les profondeurs d’une grotte, sorte méduse végétale. Quand elle fusionne avec l’amour d’enfance de Syffe, elle le prend corps de celle-ci et devient « l’Incarnée », nom que lui donne l’auteur. Je comprends que pour celui-ci, la spiritualité reste très collée à la matière, qu’il lui est difficile d’imaginer une énergie sans support. A un moment ou un autre, il devra probablement se confronter à cette dématérialisation ultime de l’esprit…
En conclusion.
De manière générale, ce qui m’attire est la transparence du récit qui laisse se révéler l’auteur qui évolue derrière. Ici, P. Dewdney affiche la couleur : il essaie de comprendre la nature humaine de son héros (de lui-même aussi sans doute puisqu’il parle à la 1ère personne). Il exprime une tension, un conflit entre la nature sociale de l’individu et sa quête personnelle, intime, spirituelle. Pour Syffe, ce Dieu intérieur semble se rapprocher davantage d’un parasite qui se répandrait dans son corps et son esprit. Cela dénote évidemment le degré de matérialisme qui transpire de cette œuvre. Tout est Matière. Donc tout comportement est rationnel… Sauf que depuis la physique quantique, nous savons que la Matière n’a pas que des comportements rationnels. Et pour beaucoup, la Création ne se résume pas à de la Matière… Je salive à l’idée de découvrir comment l’auteur s’extirpera de ce conflit auquel il ne pourra pas échapper !
Ce que j’aime quand je lis, c’est sentir la vie traverser l’œuvre… et agiter son auteur. Celui-ci se libère, se lâche, laisse son inconscient le transporter et se déployer sur le papier. Bien sûr, il pense être le maître du jeu. Mais on peut lire les fils sous-jacents qui se tendent, se nouent et se dénouent… Et le ligotent ! C’est la découverte de ces fils, à l’arrière-plan, qui me fascinent. Dans beaucoup de romans aujourd’hui, ces fils ont disparu derrière la « technique ». Ou alors parfois le nombrilisme de l’auteur les présente, les étale, les exhibe avec tellement d’encre, qu’en réalité ils sont enfouis si loin qu’ils sont totalement invisibles…
Moi, c’est le mystère des profondeurs qui m’attire., et « L’ enfant de poussière » brille de mille feux dans ces ténèbres !

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